"Mais docteur, je mange bien". Vraiment ?
Daniel-J. Crisafi, ND.A., MH, PhD
De retour en pratique privée à temps plein, je constate combien, à certains points de vue, les mentalités ne changent que peu. Parmi le palmarès des commentaires que l’on me donne le plus souvent lors d’entrevues ou de consultations, je retrouve : « Je n’ai pas besoin de suppléments, je m’alimente bien ».
Suppléments ou aliments?
Les suppléments alimentaires ne peuvent pas remplacer l’alimentation saine, mais, de plus en plus d’études démontrent que ceux-ci sont importants, voir nécessaires, pour avoir une santé optimale. Un nombre imposant et croissant d’études suggère que le régime alimentaire nord-américain est insuffisant pour assurer la santé optimale.
Plusieurs facteurs militent en faveur de l’utilisation rationnelle de suppléments alimentaires :
1. Les aliments sont moins nutritifs qu’avant pour les raisons suivantes:
- Agriculture conventionnelle qui épuise graduellement les sols
- Consommation accrue d’aliments congelés et préparés
- Cueillette des fruits et de légumes qui ne sont pas mûrs
- Entreposage de plus longue durée
- Raffinage des aliments
- Sources alimentaires animales (œufs, poisson, produits laitiers, viande, volaille, etc.) élevées de façon industrielle
2. Les facteurs suivants augmentent le besoin d’éléments nutritifs :
- Pollution environnementale accrue
- Additifs chimiques (colorants, parfums)
- Stress accrus
- Utilisation de médicaments
- Tabagisme
- Consommation d’alcool
- Utilisation accrue de médicaments (antibiotiques, hormones) dans l’élevage des
- Animaux utilisés pour la consommation (œufs, poisson, produits laitiers, viande, volaille)
La prise croissante de médicaments augmente le besoin en nutriments
Ceci a été souligné, entre autres, par les pharmaciens-auteurs de Drug-Induced Nutrient Depletion Handbook (Pelton, Ross, James LaValle et al., Lexi-Comp inc. 2001):
« …il a été surprenant de découvrir le nombre d’études publiées dans la littérature scientifique qui rapportent les carences causées par des médicaments. »
Par ailleurs, voici ce que disait André Picard dans le Globe & Mail, édition du 6 juillet 2002, sur la réduction de la qualité nutritionnelle de nos aliments :
« Les fruits et légumes vendus aujourd’hui dans les supermarchés canadiens contiennent considérablement moins de nutriments qu’il y a 50 ans. Selon les informations canadiennes, près de 80 pour cent des aliments analysés ont démontré des diminutions significatives en nutriments… Lors de cette analyse, le plus grand perdant a été le brocoli, un aliment qui représente le choix santé en alimentation. Tous les éléments nutritifs mesurables ont démontré une baisse appréciable, dont le calcium et le fer. »
Même les aliments les plus sains ne contiennent pas assez de nutriments pour offrir une protection accrue assurant la santé optimale.
Prenons la vitamine E, comme exemple. Les experts suggèrent que l’individu moyen devrait consommer entre 400-800 UI de vitamine E par jour comme supplément antioxydant/ anti-vieillissement. Or, pour obtenir 400 UI de vitamine E quotidiennement par jour il faudrait consommer soit:
600 grammes de graines de tournesol; 1 kilo de germe de blé; 40 épis de maïs; 15 kilos d’épinards; 25 kilos de beurre . . . et ce, quotidiennement. (Données tirées de Renewal: The Anti-Aging Revolution Timothy J. Smith, St Martin's Press; 1999)
Afin d’obtenir 1 800 mg de vitamine C il faudrait consommer 26 oranges fraîches, crues et mûries sur l’arbre ou 225 pommes! (basé sur la quantité de vitamine C dans une orange et une pomme moyennes : dans Valeur nutritive de Quelques Aliments usuels)
Nous avons donc plus besoin de nutriments qu’avant, mais nos aliments en contiennent considérablement moins. Cela explique le commentaire du Dr Heber :
“Nous avons maintenant un nombre substantiel de données qui démontrent que si tous les individus prenaient quelques suppléments tous les jours, ils pourraient réduire leur risque d’une multitude de maladies sérieuses de façon significative.”
- Dr David Heber, MD., PhD., Directeur du Center for Human Nutrition, faculté de médecine, Université de Californie à Los Angeles (UCLA), lors d’une conférence de presse pour le Council on Responsible Nutrition, 31 mars 1998
Quels suppléments devrait-on prendre?
Le choix de suppléments est un sujet très controversé. Il y a néanmoins quelques points à retenir.
Tous les consommateurs bénéficieraient de prendre un supplément à multiples vitamines et minéraux. Celui-ci peut être du genre « superaliment » ou un « multi » traditionnel à haute teneur en vitamines du complexe B et en antioxydants. Généralement, afin d’assurer un niveau adéquat de ces nutriments, il est nécessaire de prendre plus d’un comprimé par jour.
Le supplément devrait fournir au moins 5 000 UI de vitamine A (soit sous forme de vitamine A préformée, sous forme de bêta-carotène, ou les deux formes)
Il devrait y avoir au moins 250 mg de vitamine C et 100 UI de vitamine E ainsi que 100 mcg de sélénium.
Vous devriez y trouver au moins 25 mg des vitamines du complexe B suivantes : B1 (thiamine), B2 (riboflavine), B3 (niacine ou niacinamide), B5 (acide pantothénique ou calcium d-pantothénate), B6 (pyridoxine).
Il devrait y avoir au moins 200mg de calcium, 100mg de magnésium, 10 mg de zinc, 500 mcg de chrome et 10 mg de fer.
Certaines vitamines et minéraux devraient être présents sous leurs formes les plus biodisponibles, c’est-à-dire, les formes les plus utilisables par le corps :
- Calcium : ascorbate, chélaté (avec acides aminés ou protéine végétale), citrate, gluconate, lactate, malate ou orotate.
- Magnésium : ascorbate, chélaté, chlorure ou malate.
- Fer : chélaté ou citrate.
- Zinc : chélaté, citrate ou gluconate.
- Vitamine C : devrait être dans sa forme moins acide d’ascorbate (ascorbate de calcium, magnésium, potassium, etc.).
Tous les consommateurs devraient aussi prendre un supplément d’acides gras essentiels s’ils ne consomment pas une source alimentaire telle que l’huile de chanvre ou de lin biologiques. Ce supplément devrait fournir à la fois des acides gras de la famille oméga-3, oméga-6 et oméga-9.
Tous devraient refaire leur flore intestinale en faisant une « cure » de bonnes bactéries au moins deux fois par année.
Certains groupes d'individus peuvent bénéficier d'un apport supplémentaire
- Les femmes ont généralement besoin de plus de calcium. De plus, si elles prennent un supplément de calcium, celui-ci devrait fournir au moins la moitié autant de magnésium.
- Les personnes souffrant d’hypoglycémie voudront augmenter leur apport de vitamine B et de chrome.
- Les personnes qui consomment beaucoup de protéines ou de suppléments de protéine devraient augmenter leur quantité de vitamines du complexe B et de chrome.
- Les personnes qui consomment de l’alcool régulièrement devraient augmenter leur apport supplémentaire en magnésium et vitamines du complexe B ainsi qu’en chrome et en zinc.
- Les individus qui veulent bénéficier d’une protection immunitaire accrue durant la période du rhume et de la grippe peuvent bénéficier d’un supplément d’extraits d’ail vieilli.
- Les femmes prenant de l’œstrogène (anovulants et remplacement hormonal à la ménopause) ont généralement besoin de plus d’acide folique, de vitamine B6 et de zinc.
Les fumeurs et les personnes qui travaillent ou vivent dans des environnements où il existe un niveau élevé de polluants (imprimeries, salons de coiffure, stations-service, usines, etc.) devraient augmenter leur quantité d’antioxydants : vitamines A (ou bêta-carotène), C, E et sélénium.
Il est impératif de bien manger. Mais, les données nous soulignent à quel point, il est important de se supplémenter afin d’obtenir une santé au-dessus de la moyenne.